Nous attendions depuis 4 ans et demi l’avis du procureur de la république dans le cadre des procédures au pénal (tribunal de grande instance) concernant les dossiers de 130 femmes ou leurs familles. Ces dossiers, portés en autre par Maître Coubris, ont pour objet de définir les responsabilités des différentes personnes au sein de l’ANSM et des laboratoires pharmaceutiques dans le cadre du scandale des pilules de 3e et 4e génération et de Diane 35 et ses génériques. Cette procédure est donc différente de celles menées au civil qui ont pour objectif d’indemniser les victimes.

Le Procureur de la République a décidé qu’il n’ouvrirait pas de procès au pénal. Pour justifier cette décision, le TGI affirme qu’il n’ « existe pas de signature biologique spécifique à la prise de pilules contraceptives » au niveau individuel prouvant l’imputabilité de l’accident au contraceptif hormonal. Le TGI, qui reconnaît un risque collectif accru par la pilule ou Diane 35 et ses génériques, estime donc ne pas pouvoir déterminer si la personne aurait fait ou non un AVC ou une embolie sans prise de ce médicament. Cette conclusion est malheureusement courante dans le domaine du médicament car la preuve irréfutable est rare à ce stade de l’enquête. L’AVEP est outrée de voir qu’encore une fois dans le cadre d’un procès concernant des victimes de médicaments, il est donc nécessaire de se constituer partie civile pour que le procès ait lieu.

C’est ce que vont faire Elise Lavoué, du bureau de l’AVEP, Marion Larat et Nathalie Blondeau. La spécificité du pénal est d’établir les responsabilités. Au-delà de la réparation qui est nécessaire pour faire le deuil du changement de vie et accompagner les prises en charge nécessaires cela permet de remettre en cause le système actuel, défaillant, de prévention, de mise sur le marché de médicaments, ainsi que la transmission d’information aux médecins et aux femmes en ce qui concerne les risques des médicaments. Il y a eu des dysfonctionnements sur tous ces plans. On ne pourra donc modifier le système de décision qu’en responsabilisant les personnes concernées ! C’est ce que nous attendons de ce procès : qu’il permette de mettre fin aux conflits d’intérêts, que soit appliqué le principe de précaution, et que notre système de pharmacovigilance soit amélioré.

Dans le cas spécifique de la pilule il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas d’un médicament pour guérir d’une maladie grave mais pour prévenir des grossesses et que d’autres solutions existent. Par soucis d’égalité des droits il est légitime pour les femmes de réclamer une contraception sans risques inutiles et disproportionnés ! Des femmes sont décédées, d’autres handicapées à vie suite à la prise d’un médicament qui n’apportait aucune amélioration par rapport aux générations précédentes. Un beau coup de marketing qu’il est temps de dénoncer et dont les responsables doivent être poursuivis. Les sur risques étaient connus depuis les années 1990 en Europe. En 1995 un scandale a éclaté en Angleterre autour des pilules de 3e génération, ainsi qu’à la suite de la tentative de la revue Prescrire d’alerter sur ces risques en France. Le Formindep réclame aussi un meilleur encadrement depuis plus de 10 ans. L’AVEP milite depuis 2009. Il a fallu attendre 3 ans de mobilisation de l’association et la médiatisation du procès initié par le dépôt de plainte de Marion Larat, pour qu’il y ait une réelle prise de conscience et un resserrement de nos liens avec les autorités de santé pour réduire l’accès à ces pilules et à Diane 35 (qui, ne l’oublions était prescrite, hors AMM). Ceci est inacceptable et nous espérons que ce procès permettra de remettre à plat un système qui peut coûter la vie à des personnes jeunes, en pleine santé, désirant uniquement vivre une sexualité libre.