Un AVC pour de l’acné, après un bilan sanguin positif.

La pilule n'est pas un médicament contre l'acné. Un bilan sanguin positif n’est pas une garantie contre les accidents vasculaires cérébraux (AVC). C'est le message de Marine, 19 ans, hémiplégique, qui témoigne pour éviter à d'autres le drame qu'elle subit de plein fouet.

L'été de ses18 ans, Marine a des boutons et se sent complexée en tee-shirt. En juillet 2011, elle va voir, avec sa mère Isabelle, leur médecin traitant. Il lui prescrit Jasmine, une pilule de 4e génération, ainsi qu'un test sanguin standard (coagulation…) à réaliser après trois mois d’utilisation. Sa mère, infirmière, préfère consulter une gynécologue entre temps même s'il s'agit d'un usage non contraceptif. Le médecin déclare ne pas être vraiment favorable à la prise de pilule mais Marine la supportant bien, elle ne voit pas d'objection au « traitement ». Début octobre, le bilan sanguin vient confirmer ce diagnostic, tout à l’air en ordre….Mais avant la fin du mois, Marine s’effondre d’un AVC. Jeudi dernier, elle a porté plainte avec sa famille, ensemble ils sont désormais prêts à témoigner.

« Ce n’était pas un coup de malchance »

Les examens cardiaques et sanguins se succèdent pendant les trois semaines d’hospitalisation. Aucune cause biologique n’est trouvée. Le diagnostic ? « Ça arrive ». Isabelle se rappelle que la pilule a été vaguement mentionnée comme l’une des pistes mais c’est un discours fataliste qui lui a été servi : « Il arrive de faire un AVC sans cause connue, votre fille a peut-être mal réagi à un médicament », lui dit-on.

Devant l’hémiplégie de leur fille, qui s’en est sortie mais dont la vie ne sera jamais plus la même, les parents cherchent à comprendre et tombent sur un blog recueillant les témoignages de plusieurs jeunes filles ayant fait des AVC sous pilule. Peu de temps après, Marion Larat porte plainte, raconte publiquement son histoire. « Quand nous avons entendu Marion nous nous sommes dit, non, ce n’était pas qu’un coup de malchance, on ne peut pas laisser faire ça. Nous avons contacté son avocat en espérant que notre témoignage puisse aider Marion. Après nous avoir écouté, il nous a dit que l’histoire de notre fille était un dossier à part entière, qu’il pouvait aboutir. Nous avons porté plainte. »

Modérés malgré le handicap de leur fille

Jeudi dernier, Marine, et treize autres victimes ont porté plainte contre les laboratoires fabriquant des pilules de 3e et 4e générations, et contre l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), pour "homicide involontaire" et "atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine". Isabelle tient à préciser : « Les liens entre les labos et les médecins, c’est un secret de Polichinelle. Notre gynécologue et médecin traitant ont toute notre confiance, ils n’ont pas été suffisamment informés, ce qui nous écœure ce sont les labos qui ont mis sur le marché des pilules qui risquent de tuer des gamines. »

Et d'enchaîner: « Marine leur en veut, nous leur en voulons….Elle peine à remonter sur un cheval alors que c’est sa passion, elle voulait rentrer dans la police, c’est désormais inimaginable, elle rame pour avoir un bac qu’elle aurait dû passer sans problème. J’essaye d’être modérée, tout traitement a des effets secondaires mais la pilule n’en est pas un, c’est pour améliorer le confort de vie. Nous voulons le retrait du marché de ces pilules, nous n’avons pas compris pourquoi le gouvernement se cantonne à les dérembourser, comme si, passé un certain temps avec une bonne tolérance, tout risque était écarté. »

 

Avant, après, pendant, poussé ou non: un bilan n'est pas la solution

 

Les tests sanguins plus ou moins poussés, les bilan thrombotiques ont été évoqués dans la presse comme moyen de dépistage afin de savoir si les utilisatrices sont oui ou non à risque. Les hématologues mettent en garde: dans l'état actuel de la science, ces bilan n'offrent aucune garantie. Un constat qu'Isabelle partage entièrement: « Se soumettre à un test sanguin ne donne pas de vraies garanties, Marine en a passé un qui n'a rien détecté juste avant son AVC. La chose à faire, c’est aller voir son gynécologue et changer pour une pilule 2e génération ou une contraception non hormonale comme le stérilet. Les pilules 3e et 4e générations sont des bombes à retardement: on ne peut pas prévoir quand et chez qui elles feront des dégâts." A ceux qui objecteraient que divers types de dépistage existent, Isabelle répond: "Qu'il soit approfondi ou non, avant la prise de pilule ou après… un bilan ne change rien. Le peu d'avantages qu'offrent les pilules 3e et 4e générations par rapport à celles de 2e génération a été depuis longtemps mis en évidence. Pourquoi prendre ce terrible risque en faisant un bilan et en continuant de les prendre?" 

Un AVC pour un problème esthétique

Le scandale du traitement contre l'acné, Diane 35, détourné en pilule fait la une des médias, mais l'inverse, les pilules détournées en traitement antiacnéique, est tout aussi problématique. Marine a du mal à réaliser que sa vie a changé, ce n’était que quelques boutons, un cachet avalé pour régler un problème d'ordre esthétique. Aujourd'hui encore, un peu dans le déni, elle peine à croire qu'elle a subit un AVC pour soigner son acné. Elle s’est présentée à son bac confiante, elle a toujours eu 15 en français, mais ses séquelles cognitives sont réelles. Troubles de la mémoire, du raisonnement… « Elle a eu 5, c’est comme si elle s’était pris un mur. Elle est vivante, mais elle n’arrive pas à redémarrer », témoigne sa mère.

Après le drame, cela sonne comme une évidence pour cette famille: la pilule n'est pas un médicament pour résoudre les problèmes d'acné. Marine soigne désormais sa peau avec un traitement dermatologique tout aussi efficace et beaucoup moins risqué. Pourtant, le phénomène de la pilule comme usage cosmétique est de plus en plus répandu chez les jeunes, pas seulement dans l'hexagone, comme l'avait démontré le documentaire d'Arte à l'occasion des 50 ans de la pilule. On y voyait des jeunes allemandes prendre la pilule dans l'espoir d'augmenter leur poitrine ou de rendre leurs cheveux plus brillants, affectionnant tout particulièrement les dernières générations vendues dans des étuis fleuris, avec miroir de poche intégré, et porte-clé assorti offert. Une engouement que ne partage plus la famille de Marine:  « Je pense que nous mettrons longtemps avant de nous réconcilier avec les pilules. »