J’ai aujourd’hui 41 ans. Le 2 Août 2012, quelques jours avant mes vacances estivales, que j’attendais avec impatience, c’était un jeudi matin, je m’en souviens encore. J’avais pris mon petit déjeuner comme chaque matin puis filé sous la douche. Quelques minutes se sont écoulées et bizarrement, je n’ai plus senti mon bras gauche du bout des doigts jusqu’à mon épaule. Je pouvais le guider mais sans aucune sensation. Je suis sortie de la douche et suis partie m’allonger me disant que j’allais m’évanouir. J’ai alors recouvré toutes les sensations quelques instants plus tard. Je me suis préparée et suis allée travailler, conscience professionnelle oblige. Ma journée avait été fatigante, pas comme d’habitude. Une collègue que je remercie encore m’a dit de prendre rdv chez mon médecin. A la première heure, le lendemain j’étais au cabinet médical. Ce rendez-vous a été le début d’une série d’autres en commençant par les urgences du CHD. Ma généraliste ne pouvant pas faire d’examens neurologiques m’avait envoyé aux urgences. L’heure suivante, j’y étais. Prise de sang, de tension, marche les yeux fermés, questionnaire médical sur mes antécédents, mes prises médicamenteuses, … . J’exprime alors le fait de faire régulièrement des migraines (pas des maux de tête), de prendre une pilule contraceptive depuis l’âge de 12ans car je faisais des hémorragies en raison d’ovaires polykystiques. D’avoir changé de pilules à quelques reprises depuis 20 ans et d’être depuis quelques années sous pilule 3ème génération.
L’interne pose alors le diagnostic: « vous avez fait une aura migraineuse ». Je découvre ce terme et demande ce que c’est. On m’explique que c’est une manifestation neurologique d’une migraine. Je fais alors confiance; C’était en effet très plausible. Avant de repartir on me tend deux enveloppes pour des consultations externes. On me demande de faire un examen, une IRM cérébrale, suivi d’un rdv chez un neurologue et … d’arrêter dès aujourd’hui ma pilule. Je me suis exécutée alors sans trop comprendre pourquoi!
A peine sortie des urgences, je me souviens avoir appelé pour prendre rdv pour l’IRM. Les délais étaient longs mon rdv programmé pas avant début octobre ! Je demande alors à la secrétaire s’ils ont une liste d’attente en cas de désistement et elle me dit oui. Je m’y inscris sans hésitation. A ma grande surprise, le lundi midi, soit 5 jours après mon problème au bras, un appel! Une place s’était libérée pour 14h. Je m’organise et file à ce rdv. Tout se déroule bien et une fois l’examen terminé on me demande d’attendre pour voir le radiologue. Posée sur ma chaise pour quelques minutes, dans une salle vide, seule, toute seule une phrase tourne en boucle « on a l’explication de ce qui vous est arrivé ». Tellement de choses me passent par la tête durant ces longues minutes; on va m’annoncer une maladie mais laquelle! Les portes s’ouvrent. Je vois mon cerveau sur les écrans, dans une pièce sombre. La médecin, sans me regarder me dit: « Vous voyez ici, c’est un caillot de sang. Il est situé dans la partie droite de votre cerveau et explique votre perte de sensation dans votre bras gauche. Vous avez fait un Accident Ischémique Cérébral (AIT, micro-AVC). Ce qui vous a sauvé de lésions, de séquelles c’est d’être jeune, sans diabète, ni cholestérol, de ne pas fumer et d’être en bonne bonne santé. ». Voilà! L’aura migraineuse n’était pas le bon diagnostic. La pilule était mon seul facteur de risque et ce jour même, complètement sonné par cette annonce, je me dis que cela pourrait alors recommencer. Chaque nuit, chaque matin, chaque petit fourmillement que je pouvais avoir parfois comme tout le monde parce que j’avais mal positionné mon bras ou ma jambe, chaque douche prise, … tout cela me hantait en me disant: quand cela va t’il se reproduire!
Et puis, début octobre, je rencontre un neurologue. Après examen, lecture du compte-rendu de l’IRM…, un deuxième verdict tombe: Monsieur Kardegic ne me quittera plus. Je me retrouve avec la prise journalière d’un fluidifiant et à vie, en prévention car le facteur de risque (pilule avec hormone) était enlevé. Le neurologue m’envoie faire deux autres rdv, chez un cardiologue et un angiologue. Ces deux contrôles s’avéreront normaux, confirmant eux aussi le diagnostic précédent et l’arrêt définitif de toute prise de contraceptif hormonal quelle que soit sa forme.
Cette même année, l’affaire Marion Larat sur les pilules 3ème génération est médiatisée. Juste pour témoigner de mon vécu, je prends attache avec Maître Courbris, son avocat. Je dépose plainte parce que c’est pour moi important dans ce parcours de vie de comprendre ce qui m’est arrivé, de témoigner d’une réalité, de soutenir les autres victimes et de faire avancer une chose: que les pilules soient considérées comme un médicament (avec des risques) et non plus comme un simple contraceptif avec pour seule question posée : vous ne fumez pas?
Je découvre alors les coulisses de ce genre de procédure. Je récupère tout mon dossier médical, tout y est noté. Mes changements de contraceptifs, mes maux de tête étant jeune, puis mes migraines, le passage de prescription de paracétamol à des anti-inflammatoires. Je suis ensuite convoquée et auditionnée quatre heures en gendarmerie puis en rendez-vous chez le médecin légiste qui conclut lui aussi un lien pilule et AIT.
Depuis ce jour, je parle, je témoigne, je partage mon vécu. J’ai pris cette épreuve de vie comme une alerte. Mon corps avait dit stop, écoute toi quelque chose ne va pas. Agit !
Je suis persuadée que ce qui m’a sauvé : c’est cet IRM fait 5 jours après! Une chance pour moi car le caillot de sang se serait résorbé en octobre, date de mon rdv initial. Sans cet examen, on m’aurait peut être alors proposé de reprendre une contraception hormonale ou je l’aurais souhaité.
Les conséquences sont très minimes quand je vois d’autres témoignages. Je n’ai aucune séquelle. Cet épisode a été une alerte, une simple alerte. Je prends un médicament quotidiennement et à vie. C’est un fluidifiant alors je suis prudente mais ça n’empêche pas les coupures et petits accidents domestiques, les points de suture qui vont avec ou encore les hématomes disgracieux qui se forment très vite. Comme d’autres, ce micro-avc et la prise d’un traitement impactent sur les questionnaires médicaux en cas d’emprunt ou de prévoyance (chose dont on parle peu, si peu).
Alors oui, depuis mes 32 ans, il y a eu un avant-après mon micro-avc. Et bizarrement, depuis l’arrêt de ma pilule: plus de migraines, plus d’anti-inflammatoire prescrit, bizarrement ou pas