Témoignage:
Bonjour à toutes et à tous,

J’apporte mon témoignage suite à la plainte de Marion Larat qui m’a amenée à découvrir ce site. Avant de relater ma « mésaventure » je tiens à dire que je suis admirative du travail des bénévoles membres de cette association qui effectuent un  immense investissement et travail de prévention qui je l’espère portera bientôt ses fruits. Je tiens également à rendre hommage à toutes ces victimes, familles et ami(e)s qui témoignent avec force et courage de cet ou ces événements qui ont marqué leur vie à jamais.

Après mon embolie pulmonaire j’ai eu un moment de grand doute, de vide et de bouleversements dans ma vie. Je voulais partager mon expérience avec des personnes qui « comprenaient » ce par quoi j’étais passée. Veuillez pardonner ma volubilité, je crois qu’il est important d’entrer dans les détails pour mieux comprendre les événements, je dois également avouer que parler de mon « incident » avec vous m’aidera beaucoup à avancer.

Voici mon témoignage :

J’étais sous pilule JASMINE depuis octobre 2012 lorsque j’ai fait ma première embolie pulmonaire en août 2012 à l’âge de 22 ans, celle-ci m’avait é prescrite par mon dermatologue pour traiter mon acné qui revenait à la charge après un temps d’arrêt prodigué par le traitement ROACCUTAN (qui est aussi un médicament dangereux que l’on prescrit trop à la légère).

Un samedi matin (le 25 août) je me suis réveillée avec une douleur lancinante sous la clavicule gauche et sous le sein gauche, au niveau des côtes. Comme j’avais dormi sur un matelas pneumatique très inconfortable la veille je me suis dit que je m’étais bloquée un nerf; j’ai donc fait une série d’étirements qui n’a suscité aucun changement. La douleur se manifestait à chaque inspiration, il m’était alors impossible de bâiller, d’éternuer ou de tousser sans être arrêtée par une violente douleur. Je passais à ce moment-là mon weekend en famille à Disneyland.

D’attractions en attractions je commençais à sentir que le souffle me manquait, la douleur s’est ensuite accentuée jusqu’à s’étendre sous l’omoplate gauche. Je tentais de me persuader que c’était un nerf et que ça aller passer. La nuit fut pénible, je dormais à peine car je m’étouffais en position allongée.

Le dimanche je suis retournée à Disneyland beaucoup moins vaillante que la veille, la douleur étant plus forte, j’essayais de ne pas trop parler pour ne pas m’épuiser, rire m’était encore plus douloureux, voire impossible. Vers la fin de la journée je pouvais littéralement sentir des vagues de douleur se propageant par à-coups dans toute ma poitrine, j’avais des palpitations et des contractures musculaires involontaires au niveau pectoral. Ma famille qui me reprochait d’être irritable et de ne pas profiter du moment à cause d’un nerf coincé commençait néanmoins à s’inquiéter. Nous sommes rentrés tard le soir et comme j’avais du mal à me tenir debout, nous avons décidé d’un commun accord de nous rendre aux urgences de Puteaux aux alentours de minuit, pas de chance pour moi l’hôpital ne disposait pas d’un service d’urgence. Nous avons donc appelé un taxi qui nous a alors conduit à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, situé à l’autre bout de notre lieu de résidence car le chauffeur ne connaissait pas d’autres hôpitaux parisiens et nous non plus (nous venions d’Aix-en-Provence).

Arrivée aux urgences j’ai décrit les symptômes à une infirmière qui m’a pris la tension et m’a fait un électrocardiogramme qui n’ont rien révélé d’anormal. Un médecin à moitié endormi est alors venu m’ausculter et après m’avoir fait quelques palpations et baillés à plusieurs reprises il m’a envoyé faire une radio. J’ai ensuite attendu 4h dans un couloir, seule et assise, je manquais à plusieurs reprises de m’évanouir à cause de la douleur. Le médecin est enfin revenu encore plus endormi que la fois précédente pour me déclarer qu’il n’y avait rien d’anormal sur les radios et que j’avais sûrement dû faire un faux mouvement en dormant sur le matelas pneumatique.

J’étais étonnée d’apprendre que je n’avais rien. Souffrant néanmoins énormément on m’a donné un comprimé d’IXPRIM à avaler avant le coucher pour faire passer la douleur. Lorsque je suis revenue annoncer le tout à ma famille très inquiète je me suis sentie extrêmement coupable de les avoir maintenu éveillés pour « si peu ». En rentrant j’ai docilement pris mon comprimé avant de passer une nuit emplit de terribles douleurs ; je m’étouffais constamment en position allongée, je m’endormais à peine que je me réveillais aussitôt car le cô gauche de mon buste se contractait violemment et douloureusement. Les effets de l’IXPRIM se sont néanmoins vite fait sentir ; j’ai passé ma nuit entre les toilettes (éternuer n’était rien comparé aux vomissements répétés) et mon lit où je me tordais, pleurais et criais constamment sous l’effet de la douleur.
Le lendemain nous sommes alors rentrés dans le sud où les douleurs se sont peu à peu estompées.

Bien que cette première embolie pulmonaire n’ait pas é certifiée médicalement (car aucun test pouvant le démontrer n’a é fait) la deuxième embolie (qui m’a envoyé au service des soins intensifs) était tellement similaire à la première que je n’ai aucun doute sur ce qui m’est arrivé en août.

Celle-ci a commencé à se manifester le vendredi 21 septembre, j’étais alors retournée à Paris vivre seule dans ma chambre étudiante de 11m2 afin de finir de rédiger mon mémoire pour mon master. Je passais énormément d’heures assise face à mon bureau à travailler sans relâche, néanmoins je n’étais pas totalement inactive puisque je faisais régulièrement les cent pas dans ma chambre, j’allais faire les courses et je faisais également du babysitting (j’allais chercher les enfants à l’école et les ramenais ensuite chez eux pour m’occuper d’eux).

Une petite douleur a donc commencé à poindre le vendredi matin. Douleur sous la clavicule gauche et sous le sein gauche au niveau des côtes, une faible douleur s’est également fait sentir sous l’omoplate gauche. Je me suis immédiatement inquiétée de la similarité des symptômes et j’ai donc naïvement effectué une série d’étirements pour contrer au plus vite une possible intensification de la douleur. Cela n’a évidemment eu aucun effet, j’ai néanmoins croisé les doigts pour que cela passe, tétanisée à l’idée de souffrir de nouveau de cette horrible douleur. Hélas plus la journée avançait et plus la douleur augmentait, de nouveau chaque inspiration m’était douloureuse et il m’était également  impossible de bâiller, éternuer, tousser (ça tombait bien car j’avais attrapé froid) ou encore rire sans être stoppée net par une douleur fulgurante. Garder les enfants fut aussi très pénible car j’avais du mal à accomplir des actions et gestes basiques comme marcher à un rythme soutenu, aider les enfants à se mettre en pyjama ou leur faire à manger.

Le soir je me suis allongée en quête d’un bon sommeil réparateur car j’étais épuisée. Au milieu de la nuit j’ai alors é réveillée par une intense douleur au cô gauche, j’étais littéralement en train de m’étouffer, j’ai poussé des cris de panique en me débattant jusqu’à enfin parvenir à m’extirper du lit. J’ai alors essayé de me calmer en me disant que ce n’était rien et que ça allait passer, j’ai donc refait des étirements, j’ai pris du DOLIPRANE (que j’alternais avec du DAFALGAN) et j’ai retenté d’aller me coucher car je commençais à ressentir de puissants vertiges. De nouveau j’échouais, la douleur était tellement intense que je ne pouvais m’empêcher de crier et de pleurer. Je songeais à appeler mes parents mais je me suis alors souvenue des paroles du médecin de l’hôpital du Kremlin Bicêtre « ce n’est qu’un faux mouvement, vous n’avez absolument rien ». Je me rappelais la honte de ne pas pouvoir supporter une douleur si minime selon le corps médical et la culpabilité d’avoir fait attendre ma famille durant toute une nuit aux urgences pour rien. Mes parents étant alors à Aix-en-Provence, je me suis également dit qu’ils devaient sûrement dormir et que je ne devrais certainement pas les déranger pour « si peu ». J’ai donc pris mon mal en patience, je me suis assise les jambes allongées, le corps formant un angle de 90°, contre le mur car c’était la seule position dans laquelle je ne m’étouffais pas, secouée par des spasmes douloureux.

Le lendemain n’ayant pas dormi de la nuit j’étais complètement épuisée, j’essayais néanmoins de travailler mon mémoire mais la douleur m’empêchait de me concentrer. Je suis alors sortie faire un tour pour me revivifier et c’est là que je me suis aperçue que faire quelques pas suffisait à me vider entièrement de mes forces et surtout m’essoufflait anormalement. Je me répétais pour me calmer et me donner du courage « ne panique pas ce doit être un faux-mouvement, un nerf coincé, ça va passer ». La nuit suivante fut néanmoins encore plus pénible que la veille, exténuée j’essayais de nouveau de me coucher, je n’ai cependant réussi à faire que quelques micro sommeils avant d’être secouée par des spasmes et des contractures douloureuses dans toute la poitrine. En larmes je me suis enfin décidée à appeler ma sœur qui a aussitôt contacté ma mère qui m’a appelé à son tour. Alors qu’elle tentait de m’apaiser du mieux qu’elle pouvait compte tenu de l’heure et de la distance qui nous séparait elle m’a conseillé d’aller voir le plus rapidement possible mon médecin généraliste, pensant également à un nerf coincé en raison de la similarité des symptômes avec le précédent « incident » de Disneyland. J’ai passé de nouveau la nuit à tenter de dormir contre le mur. La journée et la nuit de dimanche passèrent lentement et douloureusement. Le lundi j’ai immédiatement appelé pour prendre rendez-vous avec le médecin, rendez-vous que j’ai obtenu le jour suivant. C’est donc avec quatre journées et quatre nuits sans sommeil véritable que je me suis traînée péniblement jusqu’au bureau du docteur. Je pouvais alors à peine parler, à peine bouger car tout m’était douloureux. Alors que je lui racontais l’épisode d’août et elle a rapidement écarté la possibilité d’un nerf coincé ou d’un traumatisme pariétal (donc pas de radio thoracique). J’ai quand même passé un électrocardiogramme qui n’a rien révélé d’alarmant avant d’aller sur ses conseils faire un dosage de mes Ddimères.

Mon ordonnance en main et n’ayant aucune idée de ce que les Ddimères pouvaient être ni ce qu’ils pourraient révéler je suis allée faire la prise de sang au laboratoire d’analyse. A peine sortie du laboratoire j’ai senti ma poitrine se contracter violemment, contracture suivie d’une puissante vague de douleur qui irradiait au niveau de mon cœur, cœur qui s’est alors mis à palpiter énergiquement, je manquais de m’écrouler dans la rue mais un passant est venu m’aider. Je me suis ensuite remise en chemin pour rentrer chez moi, les vagues de douleurs étaient de plus en plus intenses, plus je marchais et plus les contractures et ondes de douleurs s’intensifiaient. Je me souviens m’être tenue plusieurs fois à des éléments du décor urbain pour ne pas m’effondrer. Enfin arrivée chez moi, épuisée, je me suis alors aperçue que mon médecin m’avait laissé un message en me disant de le rappeler d’urgence. J’avais très peur de le rappeler mais je l’ai quand même fait, il m’a alors dit que mes Ddimères étaient très élevés par rapport à la norme (ils étaient positifs à 2700) et que j’étais possiblement en train de faire une embolie pulmonaire. Une quoi ? Pas le temps pour les questions, je devais aller aux urgences.

Cette fois-ci je suis allée à Saint-Joseph, arrivée aux urgences je communiquais immédiatement le taux de Ddimères aux infirmiers et médecins sur place, j’ai également décrit tous mes symptômes et je leur ai expliqué que mon médecin suspectait une embolie pulmonaire. On m’a alors allongé sur un brancard, après m’avoir fait un électrocardiogramme et pris ma tension on m’a oublié dans un couloir pendant une bonne heure, heureusement mon beau-père avait quitté en urgence son travail et était à mes côtés. Enfin un médecin m’a reçu et je lui expliquais de nouveau mon cas. Voilà ce que l’on m’a dit « oui, oui, on va quand même refaire une prise de sang pour revérifier le taux de Ddimères et puis ensuite on fera une radio thoracique et si celle-ci ne donne rien vous rentrerez chez vous ». J’ai alors regardé le médecin, horrifiée, me croyant de retour au Kremlin Bicêtre, je me suis mise à pleurer en disant que je leur avais déjà communiqué les résultats des taux de Ddimères et que la radio ne révélerait rien. Je n’ai pas é entendue, on m’a prise de haut en me crachant qu’il savait ce qu’il faisait. Mais moi je savais qu’il se trompait, complètement paniquée j’ai alors appelé la cardiologue que mon médecin m’avait conseillé de contacter en cas de problème aux urgences. Celle-ci m’a alors dit de demander à ce qu’on me fasse un angioscanner. Ce que j’ai demandé aussitôt mais personne ne m’a écouté. On m’a de nouveau fait une prise de sang puis on m’a naturellement emmené faire une radio. Je tiens à préciser que pour se faire on m’a fait retirer mon haut et mon soutien-gorge, la présence d’une perfusion rendant l’exercice encore plus compliqué, gestes inutiles qui m’ont fait souffrir énormément pour rien. On m’a ensuite fait attendre pendant quatre heures dans un couloir pour venir me dire que mon taux de Ddimères était très élevé et que ma radio n’avait rien donné, « sans blagues, je le savais déjà » ai-je répondu, j’avais envie de rire jaune mais j’avais trop mal pour ça.

On m’a enfin emmené faire un angioscanner. Les résulats sont tombés une heure ou deux plus tard : embolie pulmonaire bilatérale distale. Je devais rester alitée pendant plusieurs jours au service des soins intensifs. On m’a fait alors une échographie cardiaque trans-thoracique  et un doppler veineux des membres inférieurs qui n’ont absolument rien donné (ils indiquaient également que l’embolie pulmonaire n’était pas le résultat d’une thrombose veineuse).

Je me sentais mal physiquement et mentalement, je ne comprenais pas d’où venait cette embolie, les médecins du service me demandaient tous si j’étais sous pilule et si je fumais (je suis non fumeuse). C’est quand on m’a dit d’arrêter immédiatement la pilule que j’ai fait le lien entre les deux, je n’osais y croire, mon dermatologue ne m’avait absolument pas averti ou questionné sur mes antécédents familiaux (j’ai appris plus tard que ma mère avait fait une phlébite lorsqu’elle était enceinte de ma sœur aînée). La notice indiquait des risques de ce genre mais pour les personnes qui étaient à risque et avaient des antécédents. Je ne me sentais pas concernée tout comme je ne me sentais pas concernée par les effets secondaires indiqués sur les notices d’autres médicaments car souvent il est écrit « il se peut que les symptômes suivant apparaissent » ou bien « dans de rares cas il se peut que». On ne croit jamais que l’on fait partie des « cas rares » pour la bonne raison que l’on n’est pas assez bien renseigné et averti sur les circonstances qui peuvent entraîner ou prédisposer à ces fameux effets secondaires.

J’ai subi une étude génétique dont j’ai reçu les résultats il y a peu. Ceux-ci indiquent clairement que mon épisode d’embolie pulmonaire « a é  favorisé par la prise d’une contraception orale oestro progestative » (je cite le bilan médical). L’étude génétique a montré pour le moment que je n’avais aucun facteur génétique favorisant mais des tests restent à faire pour que cela puisse être certifié. Je suis actuellement sous traitement AVK (durée 6 mois), contraignant puisque très difficile à stabiliser, qui m’empêche de pratiquer mon art martial préféré cette année.

Désormais je n’ai plus le droit de prendre de contraceptions à base d’œstrogène, seules les contraceptions à base de progestatif en comprimé ou le stérilet sont autorisées.

Aujourd’hui je sors traumatisée de cette expérience, je n’ai aucune séquelle physique, bien que les douleurs aient persistées un mois après le traitement et l’essoufflement plus de quatre mois après. Parfois je suis prise de crise d’angoisse quand je repense à la douleur éprouvée ou quand je pense que j’aurais pu mourir.

Je suis heureuse d’avoir pour médecin traitant une personne aussi professionnelle et humaine, je la remercie du fond du cœur pour m’avoir sauvé. Je suis également reconnaissante envers la cardiologue qui m’a aidé à ne pas craquer dans le couloir des urgences et envers l’hôpital Saint-Joseph pour m’avoir aussi bien traité. Enfin ma plus grosse pensée va à mes parents et mes amis qui se sont déplacés pour me soutenir dans cette terrible épreuve.

Veuillez excuser ma volubilité, j’avais besoin de relater en détails mon expérience pour me décharger un peu de mon fardeau et surtout pour qu’aucune femme n’ait à traverser ce genre d’épreuves, plus jamais. J’ai eu de la chance, la pilule a é moins clémente avec d’autres.

Lire vos témoignages, victimes, familles ou ami(e)s des victimes, m’a extrêmement touché, ému et révolté. Aucune vie ne devrait être prise ou ruinée à cause d’une prescription abusive d’un produit dangereux. Je suis de tout cœur avec vous, je me battrais à vos côtés si je le peux, soyez courageux et ne perdez pas espoir. Continuons le combat pour tous ceux qui ont souffert et qui souffrent et celles qui nous ont quitté afin d’empêcher que ce type de drame ne se reproduise à nouveau.

Bérengère